Enquêtes sur les abus sexuels selon le niveau de corroboration au Canada en 2008

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Information Sheet #
95
Published in
Rachael Lefebvre, Melissa Van Wert, Barbara Fallon, & Nico Trocmé
Suggested Citation

Lefebvre, R., Van Wert, M., Fallon, B., & Trocmé, N. (2012). Sexual Abuse Investigations by Level of Substantiation in Canada in 2008. Canadian Child Welfare Research Portal: Toronto, ON.

Introduction

L’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants de 2008 (ECI de 2008) est la troisième étude d’envergure nationale portant sur l’incidence des signalements de mauvais traitements infligés aux enfants et sur le profil des enfants et des familles sur lesquels enquêtent les services de protection de l’enfance du Canada. Le présent feuillet d’information portera sur les enquêtes d’abus sexuel selon le niveau de corroboration au Canada en 2008.

Contexte de l’ECI de 2008

L’ECI montre que les taux de mauvais traitements ayant fait l’objet d’une enquête ont presque doublé de 1998 à 2003, tandis que le nombre d’enquêtes n’a pas changé de façon significative de 2003 à 2008. Les changements observés dans les taux de mauvais traitements ayant fait l’objet d’une enquête de 1998 à 2008 peuvent être attribués aux modifications des pratiques de détection, de déclaration et d’enquête plutôt qu’à une augmentation du nombre d’enfants qui sont abusés ou négligés. Une attention particulière doit être accordée à quatre facteurs : changements dans la sensibilisation du public et des professionnels à l’égard du problème, changements dans la législation ou dans les pratiques de gestion des cas, changements dans la procédure et les définitions de l’ECI et changements dans le taux réel de mauvais traitements.


En raison des changements dans les mandats et les pratiques des enquêtes au cours des dix dernières années, l’ECI de 2008 est différente des cycles précédents puisqu’elle fait le suivi des enquêtes axées uniquement sur le risque et des enquêtes sur les mauvais traitements. Dans le cadre des enquêtes axées uniquement sur le risque, aucun incident de mauvais traitement n’a été soupçonné ou ne s’est produit, mais il y a plusieurs facteurs qui indiquent que l’enfant pourrait être maltraité dans l’avenir (p. ex. la personne qui s’occupe de ce dernier a un problème de toxicomanie).

Méthodologie

Les chercheurs de l’ECI de 2008 ont utilisé un plan d’échantillonnage à plusieurs degrés afin de former un échantillon représentatif de 112 services de protection de l’enfance au Canada et d’échantillonner les cas traités par ceux-ci. L’information a été recueillie directement auprès de travailleurs de ces services à partir d’un échantillon représentatif de 15 980 enquêtes sur la protection de l’enfance menées sur une période de trois mois à l’automne 2008. Cet échantillon a été pondéré afin d’obtenir des estimations provinciales annuelles.

En ce qui a trait aux enquêtes sur les mauvais traitements, l’information a été recueillie relativement à la principale forme de maltraitance ayant fait l’objet de l’enquête ainsi qu’au degré de corroboration établi. L’outil de collecte de données comptait 32 formes de mauvais traitements qui ont été regroupées en cinq grandes catégories : violence physique (p. ex. frapper avec la main), abus sexuel (p. ex. exploitation), négligence (p. ex. négligence éducative), violence psychologique (p. ex. violence verbale ou dénigrement) et exposition à la violence conjugale (p. ex. témoin direct de violence physique). Les travailleurs ont indiqué le principal problème visé par l’enquête et, s’il y avait lieu, des problèmes secondaires et tertiaires.

Pour chaque forme de mauvais traitement, le travailleur a établi un degré de corroboration. Un cas de mauvais traitement pouvait être « corroboré » (c.-à-d. la prépondérance de la preuve indiquait qu’il y a effectivement eu violence), « soupçonné » (c.-à-d. la preuve recueillie était insuffisante pour corroborer ou conclure à l’absence de mauvais traitements) ou « non corroboré » (la prépondérance de la preuve indiquait qu’il n’y a pas eu de mauvais traitements).

Résultats

Environ 174 411 enquêtes sur les mauvais traitements ont été menées au Canada en 2008. De ce nombre, 10 173 mettaient l’accent sur les allégations d’abus sexuel comme principale forme de mauvais traitement. Comme le montre la figure 1, 26 % des cas d’abus sexuel (2 607 enquêtes) ont été corroborés par le travailleur enquêteur, 14 % (1 452) des enquêtes portaient sur des cas soupçonnés et 60 % des cas (6 114 enquêtes) n’ont pas été corroborés. De toutes les formes de mauvais traitements, les cas d’abus sexuels étaient les moins susceptibles d’être corroborés.

Figure 1 : Principales formes de mauvais traitements selon le niveau de corroboration au Canada en 2008

 

 

La principale forme d’abus sexuel ayant fait l’objet d’une enquête selon le niveau de corroboration au Canada en 2008 est présentée dans le tableau 1. Environ 524 enquêtes avaient trait à des allégations de pénétration. De ce nombre 53 % ont été corroborées, 12 % portaient sur des cas soupçonnés et 35 % n’ont pas été corroborés. Sur un nombre estimatif de 304 enquêtes portant sur des relations sexuelles orales, 42 % des cas ont été corroborés. Environ 3 713 enquêtes avaient trait à des allégations de caresses. De ce nombre, 34 % ont été corroborés, 9 % portaient sur des cas soupçonnés et 57 % n’ont pas été corroborés. Les enquêtes ayant trait à des conversations à caractère sexuel (soit environ 441 enquêtes) ont été corroborées dans 33 % des cas et celles ayant trait à d’autres abus sexuels (soit environ 3 772 enquêtes) ont été corroborées dans 9 % des cas.

 

Tableau 1 : Principales formes d’abus sexuels1 selon le niveau de corroboration au Canada en 2008^

^Les estimations de moins de 100 ne sont pas déclarées puisqu'elles ne sont pas fiables, mais elles sont tout de même incluses dans le total.

 

En règle générale, pour la plupart des formes d’abus sexuel faisant l’objet d’enquête, la majorité des cas n’ont pas été corroborés. La pénétration était le type d’abus sexuel le plus corroboré.

Figure 2 : Signalements faits avec une intention malveillante dans le cadre d’enquêtes non corroborées selon les principales formes de mauvais traitements au Canada en 2008

 

Même si les travailleurs enquêteurs ont déterminé que la majorité des cas d’abus sexuel n’étaient pas corroborés, quelques-uns d’entre eux ont été considérés comme avoir été fait avec une intention malveillante (c.-à-d. déclaré par une personne qui sait pertinemment que les allégations ne sont pas fondées). Comme le montre la figure 2, un signalement fait avec une intention malveillante n’était déclaré que dans 10 % des enquêtes sur les abus sexuels qui n’ont pas été corroborées. De plus, les enquêtes sur les abus sexuels, en tant que catégorie, sont les deuxièmes moins susceptibles de découler d’une intention malveillante. Ainsi, la plupart des signalements d’abus sexuel était fait de bonne foi par des personnes qui sont obligées, conformément à la loi, de déclarer les cas soupçonnés d’abus ou de négligence d’enfants à un organisme de protection de l’enfance ou à la police.

Figure 3 : Conflits relatifs à la garde d’enfants dans toutes les enquêtes selon les principales formes de mauvais traitements au Canada en 2008

 

La figure 3 montre s’il y avait un conflit relatif à la garde d’enfants dans le cadre des enquêtes sur les mauvais traitements au Canada en 2008 (corroborées, soupçonnées ou non corroborées). Un conflit de ce genre était plus susceptible d’être observé dans le cadre des enquêtes où les principales formes de mauvais traitements étaient les abus psychologiques (18 %), suivis des abus sexuels (15 %), de l’exposition à la violence conjugale (14 %), de la violence physique (11 %) et de la négligence (11 %). Toutefois, dans la majorité des enquêtes, toutes formes de mauvais traitements confondus, le travailleur enquêteur n’a pas noté de conflit relatif à la garde d’enfants.

Limites de l’ECI de 2008

Dans le cadre de l’ECI, l’information a été recueillie directement de travailleurs des services de protection de l’enfance au moment où ils terminaient leur enquête initiale sur de possibles cas de violence ou de négligence envers un enfant ou sur des risques de futurs mauvais traitements. La portée de l’étude est donc limitée au type de renseignements disponibles à ce moment. De plus, l’ECI ne tient pas compte des rapports présentés aux autorités responsables de la protection de l’enfance, mais qui ont été rejetés (signalements qui n’ont pas donné lieu à l’ouverture d’un dossier en vue d’une enquête). De même, elle ne tient pas compte des dossiers ouverts avant la sélection des cas et ne répertorie pas les événements à long terme qui se sont produits après l’enquête initiale.


 

1 Pour une description détaillée des principales formes d’abus sexuel, veuillez consulter le document suivant : http://cwrp.ca/sites/default/files/publications/fr/CIS-2008_Guidebook_French.pdf