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Diagnostic des traumatismes crâniens chez les enfants victimes de violence : les occasions ratées

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Résumé

Les nourrissons ayant subi des lésions mineures consécutives à de mauvais traitements sont davantage exposés à des lésions plus graves, notamment le syndrome du bébé secoué (SBS). Le SBS serait la principale cause de mortalité chez les jeunes enfants. La présente étude visait à déterminer si la maltraitance aurait pu être détectée avant le diagnostic du SBS.

Les auteurs se sont livrés à l’analyse de données secondaires provenant de quatre hôpitaux pour enfants ayant constitué dès lors le consortium du SBS. Pour être admis à l’étude, les sujets devaient avoir reçu un diagnostic de SBS entre le 1er juillet 2009 et le 13 décembre 2011, et avoir moins de 5 ans. L’information sur les antécédents médicaux des sujets, leur prise en charge par les services de protection de la jeunesse (SPJ) et l’intervention éventuelle des autorités policières provient de leur dossier médical. Les chercheurs ont analysé les données démographiques des enfants : âge, sexe, race, origine ethnique et situation sur le plan des assurances. Le critère d’évaluation était le suivant : a-t-on eu des occasions antérieures de détecter la maltraitance et de prévenir ainsi le SBS? Par « occasion antérieure », on entend : (1) évaluation antérieure de l’enfant par les SPJ, (2) présence chez l’enfant de symptômes évoquant des mauvais traitements ou aiguillage laissant entrevoir une éventuelle maltraitance et (3) maltraitance non décelée ou lésions expliquées autrement.

Le taux de mortalité était de 10 % chez ces enfants. Dans 31 % (73 cas) des cas de décès, il y avait eu au total 120 occasions antérieures de mise au jour de mauvais traitements dans un contexte médical.

On a répertorié une occasion antérieure de détection dans un cadre médical dans 64 % des cas, deux dans 20 % des cas et trois ou plus dans 15 % des cas. Au total, 49 % de ces occasions ratées avaient pour cadre le service des urgences, 35 %, une clinique de premier recours et 9 %, un autre lieu. Les signes d’appel les plus fréquents étaient des vomissements isolés sans diarrhée, suivis d’un aiguillage antérieur vers les SPJ.

En comparant le groupe chez lequel on aurait eu l’occasion de déceler la maltraitance au groupe où aucune occasion antérieure ne s’était présentée, aucune différence entre les enfants n’a été relevée sur les plans suivants : âge, sexe, race, origine ethnique, situation au chapitre de l’assurance, mortalité et établissement. Selon une analyse de régression logistique multivariable, l’existence d’une occasion antérieure de détection était plus probable chez les enfants qui, au moment du diagnostic du SBS, présentaient une hémorragie sous-durale aiguë ou non, ou une hémorragie sous-arachnoïdienne. Il en allait de même des enfants qui se remettaient d’une fracture. La probabilité d’une occasion ratée était toutefois moindre chez les enfants qui ne présentaient que des ecchymoses.

Dans cette étude, on a observé un lien entre le SBS et l’existence d’une occasion antérieure de détection de la maltraitance. Il y a donc lieu de penser qu’en informant davantage les médecins et les travailleurs sociaux sur le SBS, on pourrait déceler plus tôt la maltraitance infantile. Il faudrait, plus précisément, que ces professionnels puissent détecter les signaux d’alarme et que les critères de signalement aux organismes de protection de l’enfance soient resserrés. Par ailleurs, l’informatisation de l’évaluation pourrait amener une certaine normalisation et favoriser ainsi la mise au jour des cas de maltraitance.

Notes méthodologiques

L’échantillon ne comportant que quatre hôpitaux, on peut difficilement étendre les résultats de l’étude à l’ensemble de la population. De plus, il serait utile de déterminer quelles mesures de détection précoces sont prises au Canada en présence d’un enfant souffrant d’un traumatisme crânien.