Chez les aborigènes et les indigènes du détroit de Torrès, qui vivent en région éloignée, on enregistre un taux de morbidité et de mortalité maternelles et néonatales plus élevé que dans les familles australiennes non autochtones. L’étude ci-dessus porte sur l’évaluation qualitative du Baby One Program (BOP), programme familial de visites à domicile effectuées par des travailleurs de la santé autochtones. Mis au point par le Apunipima Health Council, organisme régi par la communauté autochtone, le BOP poursuit un objectif de sécurisation culturelle en offrant à ces familles autochtones des services de santé adaptés à leur culture.
Dans le cadre de cette étude, des travailleurs de la santé d’origine autochtone ont fait de l’éducation sanitaire auprès de 161 familles admissibles réparties dans neuf collectivités éloignées. Pour ce faire, ils ont travaillé en collaboration avec des sages-femmes ainsi que des infirmières en santé maternelle et infantile. Les chercheurs ont procédé à deux types d’échantillonnage – théorique et raisonné –, puis mené des entretiens semi-dirigés et organisé un groupe de discussion ayant réuni 24 employés du Apunipima Health Council. Les entretiens ont été réalisés auprès de bénéficiaires des services du BOP (deux mères et un couple). Vingt hommes ont été conviés à des séances de discussion dans une communauté (la famille de deux d’entre eux participait au programme).
Réalisée suivant une analyse thématique, l’évaluation a montré que le programme atteignait ses objectifs, la totalité des familles invitées à participer y ayant adhéré. Les chercheurs ont cerné huit thèmes décrivant le milieu de vie de la communauté ainsi que les succès et insuccès du BOP. Les bonnes relations entre les travailleurs de la santé, les sages-femmes et le personnel infirmier – et surtout entre les travailleurs de la santé et les familles – se sont révélées essentielles à une mise en œuvre réussie du BOP. Autres importants facteurs de réussite : le recours constant au savoir autochtone ainsi que la formation et le soutien offerts aux travailleurs de la santé autochtones. Au terme de leur étude, les chercheurs ont formulé les recommandations que voici : (1) tendre la main à tous les acteurs de la communauté, y compris les personnes âgées et les conseils; (2) s’employer à satisfaire les besoins de la famille entière et non seulement ceux de la mère et du bébé; et (3) prévoir des stratégies d’évaluation en bonne et due forme, avec indicateurs de résultats, collecte systématique de données et détermination régulière du degré de participation et de satisfaction des familles.
Les chercheurs devaient se rendre dans ces communautés éloignées et, vu les contraintes temporelles et financières, ce fut là la principale difficulté de l’étude. C’est ce qui explique que seulement quatre des 161 mères participant au BOP aient été interviewées par les chercheurs anglophones lorsqu’elles se sont rendues à l’hôpital le plus près, à Cairns, pour leur accouchement. De même, on a pu convier les hommes à des groupes de discussion dans une communauté sur neuf seulement. Les chercheurs avaient prévu interviewer plus de bénéficiaires, mais après un certain nombre d’entretiens, ils ont eu le sentiment d’avoir atteint le point de saturation des données, notamment en raison de la nature participative et itérative de la démarche d’évaluation. Malgré tout, les auteurs décrivent avec transparence les bons et les mauvais côtés de leur démarche, et ils font état de stratégies efficaces pour la mise en place de programmes familiaux gérés par les autochtones. Les constats se dégageant de ce type d’étude sont essentiels à l’élaboration, à la mise en place et à l’évaluation de toute une gamme de services offerts aux familles et aux communautés autochtones.