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Un programme de visites à domicile se révèle peu efficace pour les habiletés parentales, la santé et le développement des enfants et la prévention des mauvais traitements

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Résumé

Ces deux études ont porté sur l’impact du programme Healthy Families Alaska (HFAK) sur les facteurs suivants : 1) les mauvais traitements des enfants; 2) le parentage ainsi que la santé et le développement des enfants. HFAK est un programme de visites à domicile offert aux familles à haut risque. Le programme comprend des indicateurs de rendement explicites, et le personnel du programme doit recevoir une formation de base offerte par des formateurs agréés par Healthy Families America. À noter que les auteurs de ces études avaient préalablement évalué ce modèle à Hawaii. L’échantillon, tiré de six des sept programmes HFAK offerts en 2000-2001, était composé de 325 familles s’étant prêtées à une entrevue initiale. Ces familles ont été réparties de façon randomisée en un groupe expérimental (n = 162) et un groupe témoin (n = 163). Les familles composant le groupe témoin ont été dirigées vers d’autres services communautaires. À l’aide de plusieurs instruments standardisés, les données ont été recueillies de diverses sources comme des entrevues avec les familles, l’observation des comportements parentaux, des reports des services de protection de l’enfance et des dossiers d’hospitalisation. Les résultats ont été décevants, notamment : 1) le programme n’a pas eu d’effet généralisé sur les signalements de mauvais traitements ou sur la plupart des mesures portant sur le risque de mauvais traitements; 2) il n’y avait pas d’impact général sur la santé des enfants ni sur les comportements parentaux. Toutefois, on a constaté chez les enfants participant à HFAK des résultats plus positifs à l’égard du développement et des comportements, et les mères participant au programme ont signalé une meilleure auto-efficacité parentale.

Notes méthodologiques

En général, la méthodologie était rigoureuse. De plus, ces études ont été méticuleusement planifiées. Le modèle de recherche s’appuyait sur des groupes expérimental et témoin randomisés. L’échantillon était représentatif puisqu’il a été tiré de six des sept programmes HAFK en cours en 2000-2001. La collecte de données était approfondie. Elle s’appuyait sur diverses sources et méthodes, et des mesures ont été prises afin que le personnel de recherche ne sache pas à quel groupe appartenaient les participants. L’analyse statistique a été jugée méthodique puisqu’elle s’appuyait sur des procédures multidimensionnelles et des variables de contrôle appropriées. Lorsque les données laissaient croire que les enfants du groupe expérimental ne recevaient pas les services définis, des sous-groupes d’enfants ayant reçu les services définis ont été créés et analysés séparément. Toutefois, aucune correction n’a été apportée aux seuils de signification pour compenser les multiples tests, ce qui augmentait la probabilité d’erreurs de Type I. Les auteurs ont défendu cette décision en affirmant « qu’elle leur permettait de présenter des résultats pouvant faire l’objet de recherches ultérieures ».

On pourrait expliquer les minces résultats par des échecs sur les plans de la mise en oeuvre et de la théorie du programme. Premièrement, les services réellement offerts respectaient peu le modèle et différaient parmi les sites de HFAK. De plus, le taux d’abandon était élevé, le nombre de visites à domicile était plus faible que prévu et seulement 4 % des familles ont reçu des services de façon assidue. Deuxièmement, les auteurs ont adressé des critiques au sujet du modèle de HFAK. Notamment, même si le programme ciblait les familles à haut risque, le modèle comportait peu de stratégies pour aborder les risques parentaux. Il s’agit d’un changement par rapport aux pratiques antérieures. Au milieu des années 1990, le matériel didactique utilisé en Alaska incluait un outil de résolution de problèmes visant à réduire le niveau de risque. Dans le matériel produit par la suite, cette section a été retirée. De plus, les auteurs recommandent que la théorie sur laquelle s’appuie le modèle soit précisée.

Il semble que l’adage trop peu, trop tard s’applique au programme de visites à domicile axé sur les familles à haut risque HFAK. En comparaison, une étude randomisée effectuée antérieurement (Olds et collab., 1997) sur un autre programme de visites à domicile a démontré des résultats favorables lors d’un suivi effectué 15 ans plus tard. Parmi ces résultats, on compte une importante réduction à long terme des cas de mauvais traitement et de négligence des enfants. Dans cette étude, les clientes étaient de jeunes mères célibataires ayant reçu des visites à domicile d’infirmières pendant leur grossesse et lorsque leurs enfants étaient des nourrissons. Le service était plus constant et intensif que HFAK (M = 32 visites). La différence entre les résultats de l’étude sur HFAK et celle d’Olds et collab. confirme l’importance de fournir des services précoces et adéquats.
 

Référence
Olds, D.L., Eckenrode, J., Henderson, C.R., Jr., Kitzman, H., Powers, J., Cole, R., et al. (1997). Long-term effects of home visitation on maternal life course and child abuse and neglect: Fifteen-year follow-up of a randomized trial. Journal of the American Medical Association, 278(8), 637-643.