Il existe une lacune démontrée dans la littérature sur les caractéristiques paternelles associées à la négligence envers les enfants ou à la prise en charge par les Services de protection de l’enfance (SPE). L’auteure du présent article tente de combler cette lacune de la recherche en effectuant des analyses secondaires d’un sous-échantillon de l’Étude sur les familles fragiles et le bien-être des enfants (Fragile Families and Child Well-Being Study – FFCWS), qui suit une cohorte de près de 5 000 enfants nés entre 1998 et 2000 dans 20 grandes villes des États-Unis. Lee a examiné les caractéristiques individuelles (paternelles) et familiales (ménages) et leur association avec les variables dépendantes de la négligence envers les enfants et de la prise en charge des ménages par les SPE selon une perspective développementale-écologique. Ces mesures ont été obtenues lorsque l’enfant de référence était âgé de 5 ans ou moins. Un sous-échantillon de 1 089 pères biologiques et résidentiels (c.-à-d. vivant avec l’enfant de référence) a été utilisé pour l’analyse actuelle.
Cette étude a montré une association significative entre les variables du fonctionnement psychosocial paternel, la négligence et la prise en charge par les SPE, même en tenant compte des facteurs liés à la famille et au ménage. La chercheure a déterminé que la dépression paternelle était un facteur de risque important pour les deux variables, avec deux fois plus de risques de négligence envers les enfants observés dans cet échantillon. D’autres caractéristiques psychosociales paternelles, comme le stress parental et la consommation d’alcool, étaient liées à un risque élevé de négligence envers les enfants, mais pas à la prise en charge par les SPE. La chercheure a constaté qu’un facteur compensatoire, la participation du père à des activités communes de soins aux enfants, protégeait contre la négligence envers les enfants. Des données sur les caractéristiques démographiques et celles des ménages ont également été recueillies et analysées, ce qui a permis de détecter trois facteurs liés à la prise en charge par les SPE : plus d’enfants de moins de 18 ans vivant à la maison, une aide financière et un faible niveau de scolarité parentale.
L’utilisation de données obtenues à partir d’une étude ayant des objectifs de recherche qui diffèrent de ceux de l’auteure entraîne plusieurs préoccupations méthodologiques. Lee a cité son utilisation du cadre développemental-écologique, un modèle qui examine l’étiologie de la maltraitance envers les enfants influencée par les facteurs individuels, familiaux et macroéconomiques. Cependant, cette étude s’est limitée à des données ne contenant que deux des facteurs applicables au cadre directeur, et n’a donc pas inclus d’effets macroéconomiques potentiels au niveau de la communauté. En outre, la FFCWS a cherché à recueillir des données spécifiquement sur les parents non mariés, ce qui entraîne un biais d’échantillonnage clair. Par conséquent, dans le sous-échantillon de l’étude actuelle, près des deux tiers des pères n’étaient pas admissibles puisqu’ils ne vivaient plus avec la famille lorsque l’enfant de référence avait cinq ans. En outre, la chercheure a déclaré que l’échantillon FFCSW de 20 grandes villes américaines était représentatif à l’échelle nationale. Après un examen plus approfondi de la conception de l’étude ayant donné lieu aux données primaires, on précise qu’une grande ville est classée comme ayant une population de 200 000 habitants ou plus. Le caractère généralisable des résultats peut donc être limité aux populations urbaines par rapport aux populations rurales.
Un autre biais d’échantillonnage important apparaît à l’examen attentif des critères d’inclusion. Comme mentionné précédemment, les pères devaient être des partenaires biologiques et des partenaires mariés ou corésidentiels pour participer à l’étude. Cela signifie que les groupes à haut risque, comme les ménages dirigés par une mère célibataire ou les mères ayant une relation avec un homme qui n’est pas le père biologique, sont exclus. L’auteure reconnaît que cet échantillon est plus susceptible d’être favorisé et prédit que cela générerait des niveaux de négligence et de prise en charge par les SPE inférieurs à la moyenne dans le sous-échantillon. En effet, les comparaisons du sous-échantillon avec l’ensemble de l’échantillon original ont révélé une diminution de 4 % de la prise en charge par les SPE. Cette attente a également amené les chercheurs à utiliser des variables dichotomiques pour les mesures dépendantes de la négligence des enfants et de la prise en charge par les SPE afin de saisir tout lien éventuel, puisque ces conditions étaient considérées comme si rares dans ce type d’échantillon. Dans cette étude, les variables dichotomiques incluent des options de 0 ou 1, 1 indiquant une prise en charge même dans un cas de négligence d’enfant au cours de l’année écoulée. De même, une unité de 0 ou 1 a été assignée pour indiquer si les SPE ont communiqué avec la famille depuis la naissance de l’enfant de référence. Ce système de mesure simple a été jugé nécessaire pour détecter une relation à l’intérieur de l’échantillon; cependant, il ne tient pas compte de la complexité possible des variables. Par exemple, dans le cas de la prise en charge d’un ménage par les SPE, la mesure ne précise pas l’enfant visé par les SPE, l’auteur présumé de la maltraitance, le moment où elle a eu lieu ni son type. Au contraire, elle fournit seulement un indicateur général et ambigu du risque du ménage.