Research Watch

Comportements sexualisés normatifs et problématiques chez les enfants et les jeunes dans le système de protection de l’enfance

Année de publication
Résumé

On observe des comportements sexuels tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Dans la présente étude, les auteurs ont examiné les schémas de comportements sexuels normatifs (CSN) et de comportements sexuels problématiques (CSP) chez les garçons et les filles appartenant à un échantillon d’enfants à haut risque pris en charge par la protection de l’enfance. L’échantillon comprenait trois cohortes d’âges : 2 à 7 pour la plus jeune cohorte, 8 à 11 ans pour la cohorte de la phase intermédiaire de l’enfance et 12 à 17 ans pour la cohorte préadolescence/adolescence. Les comportements sexualisés normatifs sont définis comme étant des comportements sexuels non coercitifs, exempts de caractéristiques ouvertement paraphiliques, et n’impliquant pas d’autres enfants ayant un écart d’âge de deux ans. Les comportements spécifiques des CSN examinés dans la présente étude incluent les étreintes, les baisers, le fait de tenir la main des camarades du même âge, l’intérêt envers la pornographie et la pénétration non coercitive avec des camarades du même âge. Les comportements sexuels problématiques avaient trait à la coercition, aux caractéristiques paraphiliques, ou impliquaient des enfants qui étaient beaucoup plus jeunes (c.-à. 4 ans ou plus). Les comportements sexuels problématiques comprenaient l’invasion intentionnelle de l’espace personnel d’autrui, les actes sexuels forcés, les ordres ou les menaces sexuellement explicites, les attouchements sexuels sur un enfant beaucoup plus jeune, les attouchements des parties génitales sans permission et l’agression sexuelle.

Les chercheurs ont examiné les dossiers de 789 enfants et adolescents (638 garçons et 151 filles) qui avaient fait l’objet d’une évaluation pour un placement sûr et approprié (Assessment for Safe and Appropriate Placement – ASAP) entre 1998 et 2004. Il s’agit d’un échantillon à risque élevé parce que tous les enfants de cette étude avaient manifesté quelques CSP dans le passé. Les chercheurs ont examiné séparément chaque domaine de CSN et de CSP lorsqu’ils ont effectué leur analyse. Les résultats ont démontré une augmentation linéaire générale des CSN et des CSP pour les trois cohortes d’âges. L’incidence des CSN était plus faible et ils ont été observés relativement rarement chez les cohortes de jeunes jusqu’à la préadolescence/adolescence, probablement parce que les jeunes enfants faisaient l’objet d’un suivi étroit de la part d’observateurs multiples. Les chercheurs ont observé une différence notable entre les garçons et les filles en ce qui a trait aux CSN, à savoir leur intérêt envers la pornographie : le taux de référence des filles dans les trois cohortes d’âges était faible, et les garçons montraient un intérêt accru envers l’utilisation de la pornographie.

En ce qui concerne les CSP, les chercheurs ont constaté une absence de schéma significatif dans les trois cohortes d’âges pour les filles, à l’exception d’un attouchement sexuel sur un enfant beaucoup plus jeune qui était plus susceptible d’être rapporté par la cohorte plus âgée. En revanche, chez les garçons, l’augmentation linéaire était significative dans quatre des six CSP – ordres ou menaces sexuellement explicites, attouchements sexuels sur un enfant beaucoup plus jeune, attouchements des parties génitales sans permission et actes sexuels forcés. Selon les auteurs, étant donné que les enfants sur lesquels portait cette étude avaient tous manifesté des CSP, cet échantillon composé d’évaluations ASAP était hyper supervisé. Cela peut avoir compensé une partie de la tendance accrue aux CSP en raison de la vigilance supplémentaire dont ont fait preuve plusieurs observateurs du système de protection de l’enfance en ce qui concerne la surveillance des comportements sexuels. Ces résultats correspondent à ceux des recherches précédentes indiquant que les enfants ayant des CPS et pris en charge par les systèmes de protection de l’enfance peuvent en réalité être exposés à un suivi hyper vigilant de la part de donneurs de soins comme les parents d’accueil ou les intervenants, parce que le but du système est d’assurer la sécurité et la durabilité.

Notes méthodologiques

La force de cette étude est qu’elle porte non seulement sur les comportements sexuels problématiques, mais aussi sur les comportements sexuels normatifs chez les trois cohortes d’âges. Pourtant, il existe certaines limites dont il faut tenir compte lorsqu’on interprète les résultats. Les mêmes comportements sexuels (par exemple, les attouchements des parties génitales sans autorisation) peuvent être considérés comme problématiques chez un enfant de 15 ans, mais pas chez un de 5 ans. Il est important que les futures études se penchent sur les caractéristiques de la stabilité des différents types de comportements au fur et à mesure que les enfants vieillissent. En outre, la nature subjective des dossiers ASAP a été remise en question parce que ces documents dépendaient du jugement du professionnel, des biais potentiels, de la personne qui apprenait l’existence des comportements sexuels et du moment où elle le faisait. Les recherches futures devraient se pencher sur les signalements provenant de sources multiples (par exemple, soi-même, les parents, les enseignants, les intervenants, etc.) pour comparer les comportements sexuels réels et ceux observés au fil du temps.