Depuis une bonne trentaine d’années, les enfants d’origine afro-américaine sont largement surreprésentés au sein de la filière de protection de la jeunesse aux États Unis. La situation tient en partie aux disparités émaillant la trajectoire de l’enfant le long de cette filière, depuis la réception du signalement de maltraitance jusqu’à la décision finale des intervenants. Chaque décision ponctuant cette trajectoire peut accentuer ou atténuer les disparités imposées aux enfants afro-américains. Dans le but de connaître les facteurs à l’origine de ces disparités, les chercheurs se sont penchés sur la place que tiennent la race et le revenu familial dans le processus décisionnel des intervenants en protection de la jeunesse au Texas.
En examinant des signalements de maltraitance jugés fondés, effectués auprès du Service de la famille et de la protection de la jeunesse du Texas, les auteurs ont tenté de déterminer si la race constituait un facteur décisif dans le choix des interventions mises en œuvre par les services de protection de la jeunesse. Leur constat : après prise en compte du revenu familial, de l’âge de l’enfant, de l’état matrimonial des parents, de l’âge des parents, de la région texane visée, de la provenance du signalement et du type d’allégation, la race ne constitue pas un indicateur prévisionnel important des décisions rendues par les travailleurs sociaux. Cependant, si l’on ajoute à toutes les variables précitées l’évaluation du risque que fait le travailleur social, on constate que les Afro-Américains sont plus susceptibles de faire l’objet d’un signalement jugé fondé que les Américains de race blanche, l’écart étant de 14,8 %. Les intervenants en protection de l’enfance appliquent, avancent les chercheurs, divers « seuils » décisionnels, et ces derniers variaient suivant l’appartenance raciale des enfants. Selon les auteurs, les travailleurs sociaux devraient éviter toute généralisation : le risque associé à la pauvreté n’est pas forcément le même dans toutes les familles.
Le principal atout de cette étude est son vaste échantillon (n = 186 182), obtenu auprès des services de protection de la jeunesse du Texas. Du côté des lacunes possibles, notons sa portée géographique limitée (l’étude est confinée au Texas) et l’éventualité que le constat ne soit en fait qu’un simple effet de cohorte (les données visent la période de 2003 à 2005).