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La consommation de drogue, le milieu de la drogue, et les sévices et la négligence infantiles

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Résumé

Cette étude examine, à l’aide d’un modèle à plusieurs niveaux, le lien entre la consommation de drogue, les caractéristiques du milieu de la drogue et la maltraitance infantile. Le modèle conceptuel sous-jacent de cette étude repose sur le principe selon lequel le milieu de la drogue comporte deux composantes liées entre elles : l’approvisionnement en drogues et la demande de drogues. L’approvisionnement en drogues se fait sur les réseaux sociaux et lors des activités courantes. Les contacts se créent sur les marchés de la drogue des réseaux sociaux, espaces généralement invisibles à ceux qui n’appartiennent pas à ce milieu. Les marchés de la drogue tributaires des activités courantes sont des espaces communs au sein de territoires plus importants où s’effectuent les transactions liées à la drogue. Les quartiers où de telles transactions sont fréquentes sont caractérisés par un contrôle social déficient, soit l’incapacité de maintenir les structures publiques. C’est au sein de tels espaces que les auteurs ont étudié le lien entre, d’une part, l’exposition aux drogues des personnes qui prennent soin d’enfants et l’utilisation de ces substances et, d’autre part, les sévices infligés aux enfants, la négligence physique et la supervision négligente.

Pour les besoins de cette étude, l’approvisionnement en drogues a été mesuré à l’échelle municipale, et la demande de drogues a été mesurée à la fois à l’échelle de l’individu et à l’échelle municipale. Les variables ont été définies au moyen de données d’enquêtes recueillies auprès d’un échantillon de foyers au sein de la population générale et de données obtenues des services de police et des hôpitaux municipaux. Les auteurs ont formulé l’hypothèse selon laquelle la demande de drogues (soit la consommation de drogues par chaque individu) serait associée à une fréquence plus élevée de négligence physique et de supervision négligente, alors que le contexte plus large des réseaux sociaux – où l’approvisionnement en drogues est plus important – serait associé à des taux plus élevés de sévices.

Les résultats de l’étude ont révélé que les enfants qui vivaient dans des régions où la consommation de drogues était plus répandue et où il était plus facile de se procurer ces dernières étaient plus susceptibles de subir de mauvais traitements. L’analyse des résultats a toutefois fait ressortir des mécanismes plus précis permettant de mieux comprendre le lien entre ces divers facteurs. Les taux de consommation de drogues et de dépendance aux drogues à l’échelle municipale ont été associés à des taux plus élevés de mauvais traitements. Dans les régions où il était plus facile de se procurer des drogues, les parents qui faisaient usage de ces dernières ont signalé davantage de mauvais traitements et de négligence physique. Des taux plus élevés de négligence physique ont également été associés au fait que les parents avaient été témoins de la vente de drogues ainsi qu’au taux de criminalité lié à la drogue à l’échelle municipale. Fait important à noter, l’existence d’un soutien affectif (la possibilité, pour les parents, de parler à un tiers de leurs peurs et de leurs inquiétudes) permet d’atténuer l’influence exercée par le milieu de la drogue sur les trois types de mauvais traitements. Ces résultats ont fait ressortir des mécanismes qui pourraient réduire l’incidence de la maltraitance infantile, notamment la prévention au sein du milieu ainsi que la mise en place de mesures de resserrement au sein des quartiers visés.

Notes méthodologiques

Pour réaliser cette étude, les auteurs ont analysé les données de 2009 sur 43 villes de Californie choisies au hasard. La première ville était considérée comme la ville source et toutes les autres villes choisies par la suite étaient situées à au moins 1,6 kilomètre de la ville choisie précédemment et deux villes plus loin. Les données ont été recueillies au moyen de sondages téléphoniques (téléphones fixes) pour lesquels des données valides des services de police sur les narcotiques étaient disponibles. L’échantillon total était composé de 21 114 ménages, et 2 597 personnes au sein de ces derniers ont répondu à toutes les questions du sondage et affirmé prendre soin d’un enfant de moins de 12 ans. Les entrevues téléphoniques, d’une durée approximative de 30 minutes, ont été menées par un intervieweur en direct utilisant un logiciel assisté par ordinateur pendant 25 minutes, puis par un enregistreur vocal interactif pendant 5 minutes. Les auteurs ont eu recours à un modèle de régression linéaire à plusieurs niveaux afin d’examiner le lien entre les données individuelles recueillies au moyen du sondage et les indicateurs de la criminalité liée à la drogue, de la toxicomanie et de la dépendance à la drogue dans chaque ville, ainsi que des variables de contrôle démographiques.

Les rares limites signalées dans cette étude sont l’utilisation de téléphones fixes pour la réalisation du sondage ainsi que les faibles taux de réponse. Le recours à ce type de téléphone a pour effet d’exclure les ménages qui ne possèdent que des téléphones cellulaires, ce qui pourrait donner lieu à la sous-représentation des ménages à faible revenu et des jeunes familles. Les faibles taux de réponse pourraient en outre fausser les résultats. Enfin, les auteurs conviennent qu’il s’agit d’une étude liminaire et suggèrent que les études subséquentes s’emploient à contextualiser la consommation de drogues afin de comprendre où, dans quelle mesure et avec qui les personnes qui prennent soin d’enfants utilisent ces substances.