Un volume important de données probantes indiquant que les enfants placés en famille d’accueil présentent des taux plus élevés de graves troubles émotionnels (GTE), notamment : le trouble de stress post-traumatique (TSPT), le traumatisme lié à la violence, le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), la dépression et l’abus d’alcool et d’autres drogues. Les données probantes actuelles indiquent que les enfants placés en famille d’accueil ne reçoivent peut-être pas de services de santé mentale et, lorsqu’ils sont aiguillés, ils ne reçoivent pas les soins appropriés. Les recherches semblent indiquer que la continuité des soins est une partie importante des services de santé mentale de haute qualité, mais pour les enfants placés en famille d’accueil, la discontinuité des soins est chose courante. La continuité ou la régularité des soins a été définie comme étant la participation à des consultations de santé mentale en externe au moins une fois par mois au cours de la période d’étude d’une année. Les raisons possibles de la discontinuité des soins des jeunes placés en famille d’accueil comprennent l’instabilité du placement, les changements relatifs à la couverture d’assurance maladie et la fragmentation du système de santé. Les données actuelles indiquent que la continuité des soins est associée à des avantages; cependant, il y a un manque de recherche sur les facteurs liés à la continuité des soins pour les jeunes vivant en famille d’accueil.
La présente étude examine divers facteurs associés à la continuité des soins destinés aux jeunes en famille d’accueil qui présentent des GTE. Les données incluaient tous les jeunes âgés de 5 à 17 ans placés en famille d’accueil ayant reçu un diagnostic de GTE et qui étaient continuellement inscrits au programme Medicaid de l’Ohio pour une période de 18 mois de 2007 à 2010. Medicaid est un programme d’assurance gouvernementale des États-Unis conçu pour les personnes qui n’ont pas les fonds ni les ressources pour se payer des soins de santé. Dans la présente étude, les auteurs ont défini les GTE comme un diagnostic de schizophrénie, de psychose ou de trouble bipolaire, car ils sont souvent plus chroniques, entraînent des besoins complexes et nécessitent des soins de maintien continus. Les jeunes étaient considérés comme ayant des GTE lorsqu’ils avaient deux demandes de remboursement ou plus pour un diagnostic primaire de GTE. Les codes de la Classification internationale des maladies (CIM-9-CM) inclus dans le diagnostic de GTE comprenaient un diagnostic de schizophrénie (295, 297, 298), de psychose (297, 298) et de trouble bipolaire (296.00-296.1, 296.4-296.9, 296.99, 293.83).
Les chercheurs ont eu recours à des statistiques descriptives pour décrire les caractéristiques démographiques et cliniques de l’échantillon (N = 952) et à la régression logistique en ce qui a trait aux effets aléatoires pour examiner la relation entre les facteurs individuels et contextuels et leur influence sur la continuité des soins.
• La régularité des soins était significativement plus élevée chez les jeunes qui présentaient un trouble psychiatrique concomitant de l’anxiété ou des troubles de la conduite comparativement aux jeunes qui n’avaient pas de diagnostic concomitant (RC = 1,76 et 1,57, p = 0,002 et p = 0,007 respectivement).
• La régularité des soins était significativement plus élevée chez les jeunes présentant une maladie chronique antérieure que chez les autres.
• La régularité des soins était significativement liée à l’utilisation antérieure de médicaments psychotropes chez les jeunes qui prenaient deux classes de médicaments ou plus et qui recevaient des soins plus fréquemment (RC = 1,55, p = 0,02).
• Les antécédents de service étaient associés à la régularité des soins, les soins de santé mentale en consultation externe étant la variable explicative la plus importante de la régularité des soins (RC = 7,43, p < 0,001).
• La régularité des soins était significativement plus élevée chez les jeunes vivant dans des zones micropolitaines (c.-à-d., des zones urbaines comptant au moins 10 000 habitants mais moins de 50 000 habitants) adjacentes à de grandes régions métropolitaines (RC = 1,97, p = 0,04) par rapport aux jeunes vivant dans les grandes régions métropolitaines ayant une population d’au moins 1 million de personnes.
• Les régions comptant un plus grand nombre de psychiatres étaient aussi significativement associées à une augmentation de la régularité des soins (RC = 1,22, p = 0,05).
Une meilleure compréhension des facteurs associés à la continuité des soins pour les jeunes atteints de GTE placés en famille d’accueil peut éclairer les interventions des cliniciens et les programmes visant à améliorer la continuité des soins pour cette clientèle.
Les données provenaient de trois sources : demandes de remboursement de Medicaid, le répertoire régional des ressources (Area Resource File), et les Conseils d’agrément des psychologues et des travailleurs sociaux de l’État de l’Ohio.
Les auteurs mentionnent diverses limites. Premièrement, les données examinées reposaient sur un seul État, ce qui influençait le caractère généralisable des études auprès des jeunes placés en famille d’accueil dans d’autres régions. Deuxièmement, les données examinées dataient de 2007-2010, avant la réforme découlant de l’Affordable Care Act (ACA), ce qui signifie que les tendances en matière de santé et de soins de santé mentale ont peut-être changé. Troisièmement, en utilisant des données administratives, les auteurs ont été incapables d’examiner d’autres dimensions importantes de la continuité des soins qui ont été suggérées dans d’autres documents (p. ex., cohérence du contact avec le prestataire, coordination entre les prestataires et les systèmes de service). De plus, il n’y avait pas de données sur les facteurs supplémentaires qui seraient associés à la continuité des soins (p. ex., relation patient-prestataire, caractéristiques du placement des enfants, participation des réseaux familiaux et de soutien et antécédents de maltraitance). Medicaid, la principale source de données individuelles, ne fournit pas non plus d’informations sur les autres services communautaires non facturables que les personnes composant l’échantillon ont pu utiliser pour des soins de santé mentale. Quatrièmement, en raison de l’absence de variables liées aux résultats, les auteurs n’ont pas été en mesure de connaître l’incidence des différents niveaux de continuité des soins sur les résultats cliniques. Cinquièmement, les chercheurs ont supposé que les jeunes souffrant de schizophrénie et de trouble bipolaire auraient besoin de consultations mensuelles, bien qu’il soit possible que leur état s’améliore au point qu’ils n’aient pas besoin de traitement régulier. Enfin, un diagnostic de GTE (c.-à-d., schizophrénie, psychose, trouble bipolaire) a été prononcé en fonction du nombre de demandes de remboursement soumises à Medicaid et des codes de la CIM-9-CM utilisés sans autre information décrivant comment les jeunes enfants de l’échantillon (c.-à-d., les enfants de 5 ans) ont reçu un diagnostic de GTE. Compte tenu de l’âge moyen d’apparition des troubles de santé mentale comme la schizophrénie, on ne sait pas exactement ce qui a été mesuré dans la partie composée de personnes les plus jeunes de cet échantillon pour établir un diagnostic de schizophrénie, ou de GTE.