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La violence psychologique et l’idéation suicidaire

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Résumé

La violence psychologique (c.-à-d. les agressions verbales dirigées contre le sentiment de bien-être ou l’estime de soi d’un enfant) est une variable explicative importante des problèmes d’internalisation ultérieurs, même après avoir tenu compte d’autres formes de maltraitance. Les enfants qui ont subi de la violence psychologique ont une faible flexibilité cognitive, de faibles capacités de régulation émotionnelle, un comportement prosocial réduit, des niveaux d’agression accrus et sont plus à risque de souffrir de dépression et d’anxiété. L’expérience de la maltraitance des enfants est une variable explicative puissante de l’idéation suicidaire, et des études transversales et longitudinales constatent ce lien. Les données actuelles indiquent qu’il existe un lien entre la violence psychologique et l’idéation suicidaire; cependant, en raison de faiblesses méthodologiques dans les études antérieures (p. ex., modèles transversaux, indicateurs uniques d’idées suicidaires), des études longitudinales supplémentaires sont nécessaires pour approfondir notre compréhension de cette relation. Les auteurs soutiennent que peu de recherches ont examiné l’impact longitudinal de la violence psychologique sur les idées suicidaires et que ce type de recherche est nécessaire pour mieux comprendre les conséquences de cette forme de violence au fil du temps.

La présente étude examine la relation entre la violence psychologique et l’idéation suicidaire au moyen d’un modèle d’analyse longitudinale de la trajectoire multivagues sur trois ans. Cette étude se penche sur les effets médiateurs potentiels de la dépression sur cette relation ainsi que l’évaluation du sexe biologique en tant que modérateur potentiel. Les données comprenaient 682 jeunes âgés de 7 à 18 ans recrutés dans le cadre d’une étude plus vaste portant sur le développement de la dépression chez les jeunes.

Des statistiques descriptives ont été utilisées pour décrire les niveaux de violence psychologique, de dépression et d’idées suicidaires aux intervalles de temps 1, 2 et 3. Des modèles d’analyse des trajectoires ont été utilisés pour examiner la relation entre la violence psychologique et les idées suicidaires à divers intervalles de temps. On a isolé des facteurs comme la violence psychologique antérieure, les idées suicidaires, les symptômes dépressifs et l’âge à tous les intervalles de temps. Une analyse multigroupes a ensuite été menée pour examiner les effets du sexe biologique sur la relation entre la violence psychologique et l’idéation suicidaire.

Dans l’ensemble, ces résultats semblent indiquer qu’avec le temps, la violence psychologique « contribue à la prédiction prospective des idées suicidaires, même après avoir isolé des facteurs comme l’âge, les idées suicidaires, le sexe biologique et la dépression. La relation entre la violence psychologique à l’intervalle de temps 2 et les personnes dépressives à l’intervalle de temps 3 variait selon le sexe. Cette relation était plus significative pour les filles que pour les garçons (β = 0,29, Erreur type (ET) = 0,05, p < 0,001; β = 0,13, ET = 0,06, p = 0,05 respectivement).

Notes méthodologiques

Les données ont été obtenues à partir de trois mesures : Self-Injurious Thoughts and Behaviours Interview (SITBI; Nock et coll., 2007), Children’s Depression Inventory (CDI; Kovacs, 2003), et Childhood Trauma Questionnaire (CTQ-EA; Bernstein et coll., 2003; Bernstein et Fink, 1998).

Étant donné que l’étude était longitudinale, les auteurs notent qu’il manquait des données. Ils rapportent que sur un total de 682 participants, 30 % manquaient de données concernant l’idéation suicidaire à l’intervalle de temps 2 et 34 % à l’intervalle de temps 3. Lorsqu’il y avait des données complètes sur les idéations suicidaires aux intervalles de temps 2 et 3, les chercheurs ont noté que les participants n’était pas significativement différents en ce qui a trait aux variables démographiques (p. ex., sexe, âge, race/origine ethnique) ou à toutes les variables indépendantes d’intérêt. Aucune autre information n’a été fournie sur les données manquantes ou les taux d’attrition.

Les auteurs ont noté un certain nombre de points forts de cette étude. Premièrement, l’étude a été menée sur trois ans plutôt qu’à un seul moment ponctuel. Les auteurs ont précisé que cette analyse longitudinale de la relation entre la violence psychologique et l’idéation suicidaire constituait la première évaluation effectuée de cette manière, permettant ainsi une meilleure compréhension de la violence psychologique et de ses conséquences au fil du temps. Deuxièmement, les symptômes dépressifs ont été inclus à chaque intervalle de temps, permettant aux chercheurs de mieux comprendre leur influence sur la relation entre la violence psychologique et l’idéation suicidaire. Troisièmement, les chercheurs ont utilisé des mesures valides répétées à chaque intervalle de temps. Quatrièmement, étant donné les âges inclus dans la taille de l’échantillon, les chercheurs ont pu examiner le risque d’idéation suicidaire à différents stades de développement et suivre ces enfants et ces adolescents de manière longitudinale pendant qu’ils poursuivaient leur développement. Enfin, la grande taille de l’échantillon de l’étude favorisera une plus grande validité externe.

Malgré ces points forts, il existe également un certain nombre de limites. Premièrement, les auteurs ont spécifiquement examiné la violence psychologique et n’ont pas tenu compte d’autres formes de violence (c.-à-d., physique, sexuelle) qui peuvent être de meilleures variables prédictives de l’idéation suicidaire. Deuxièmement, l’étude portait principalement sur les idées suicidaires et ne tenait pas compte des tentatives de suicide. Par conséquent, on ne sait toujours pas si la violence psychologique entraîne des tentatives de suicide. Troisièmement, bien qu’il s’agisse d’une étude longitudinale, la mesure de la violence psychologique utilisée dans l’étude reposait sur des autodéclarations rétrospectives. Enfin, l’étude actuelle n’a pas abordé la résilience des enfants et la raison pour laquelle certains ne montrent pas de conséquences négatives associées à la violence psychologique, alors que d’autres continuent de subir les séquelles de leurs expériences.