L’association entre la maltraitance des enfants et la délinquance juvénile est bien établie. Cela dit, les mécanismes sous-jacents de cette relation demeurent flous. Les auteurs ont soutenu que « certaines incidences des mauvais traitements infligés aux enfants (p. ex., les comportements sexuels) sont des facteurs de risque de délinquance juvénile ». De ce fait, les comportements sexuels sont éventuellement un facteur important, mais souvent négligé, qui explique la relation entre la maltraitance des enfants et la délinquance juvénile. L’étude a utilisé l’analyse de médiation pour évaluer l’effet médiateur des comportements sexuels entre la maltraitance des enfants et la délinquance juvénile.
L’échantillon de l’étude consistait en un sous-ensemble des participants (n = 804) du consortium d’études longitudinales de l’abus et de la négligence de l’enfant (Longitudinal Studies of Child Abuse and Neglect [LONGSCAN] Consortium). Les participants sélectionnés étaient des enfants de 8 à 12 ans et leurs aidants principaux qui ont participé aux entrevues en personne et ayant fait l’objet de dossiers du service de protection de l’enfance jusqu’à l’âge de 8 ans. Les comportements sexuels des enfants et la délinquance juvénile ont été mesurés au cours des entrevues, tandis que les renseignements concernant les caractéristiques de maltraitance ont été obtenus au moyen de rapports déposés au service de protection de l’enfance.
En raison de la complexité des caractéristiques de mauvais traitements dans les rapports des services de protection de l’enfance, et d’une initiative pour englober les expériences de maltraitance de façon plus générale, les auteurs ont créé une variable latente en utilisant des rapports précoces ou tardifs de sévices physiques, d’abus sexuels, de violences émotionnelles et de négligence dont les scores plus élevés font ressortir davantage de rapports de maltraitance des enfants. Les rapports précoces d’abus émotionnel et de négligence ont été exclus plus tard pour améliorer l’application du modèle à la variable latente.
L’étude a recouru à l’analyse de la médiation appliquant la modélisation des équations structurelles. Les résultats ont montré qu’un plus grand nombre de rapports sur les expériences de maltraitance étaient associés à des comportements davantage sexualisés à l’âge de 8 ans, ce qui laisse prévoir une hausse de la délinquance juvénile à l’âge de 12 ans. L’effet direct de la maltraitance des enfants à l’âge de 8 ans était lié à des taux plus élevés de délinquance infantile à l’âge de 12 ans, une fois l’effet de médiation des comportements sexuels pris en compte. Les résultats de cette étude suggèrent que la relation entre la maltraitance des enfants et la délinquance juvénile pourrait être expliquée en partie par les comportements sexuels de l’enfant. En plus des mauvais traitements infligés aux enfants, les comportements sexuels précoces (à l’âge de 8 ans) pourraient également être un indicateur significatif des comportements précoces de délinquance infantile chez les enfants exposés à un risque élevé.
Dans cette étude, l’application de l’approche longitudinale a permis de mettre en évidence la relation causale éventuelle entre la maltraitance des enfants et la délinquance juvénile en raison des comportements sexuels dans un groupe d’enfants à risque élevé. Il convient cependant de mentionner les limites suivantes : 1) cette étude ne portait que sur l’examen des rapports des services de protection de l’enfance, ce qui pourrait sous-estimer l’incidence réelle des mauvais traitements sur l’échantillon; 2) il est possible que certains des aidants principaux ayant déclaré les comportements sexuels des enfants aient pu commettre les mauvais traitements, de sorte que leurs réactions aux comportements de leurs propres enfants sont éventuellement biaisées; et 3) les documents officiels sur la délinquance juvénile (p. ex., les dossiers d’arrestation) n’étaient pas disponibles aux fins des recherches. Les examens ultérieurs de facteurs plus contextuels permettront de dévoiler davantage la relation entre la maltraitance des enfants et la délinquance juvénile.