En Amérique du Nord, les médecins sont légalement tenus de signaler les cas de violence présumée envers les enfants (VEE) aux autorités de la protection de l'enfance (APE). Cependant, plusieurs études rétrospectives montrent qu’ils ne le font pas toujours et révèlent que les obstacles au signalement sont nombreux : manque de formation, attitudes personnelles, expériences négatives avec les APE, limites de temps et peur d’avoir à faire au système judiciaire. Il s’agit de la première étude prospective de ce type qui traite des questions suivantes : 1) À quelle fréquence les cliniciens signalent-ils les cas de VEE présumée? 2) Quel est leur degré de suspicion lorsqu’ils le font? 3) Quels facteurs influencent le signalement aux APE?
Sur les 327 participants, 75 ont signalé aux APE une ou plusieurs blessures avec suspicion de violence physique et 232 n’ont pas fait de signalement. Dans l’ensemble, les cliniciens soupçonnaient que 10 % (168) des cas qu’ils évaluaient étaient causés par de la violence physique envers l’enfant, cependant, sur les 1683 blessures, moins encore, soit 95 (6 %) ont été signalées aux APE. Les cliniciens ont omis de signaler 27 % des blessures probablement ou très probablement attribuables à la violence envers les enfants selon leur évaluation. Ils n’ont pas non plus signalé 76 % des blessures qui selon eux pourraient avoir été causées par la VEE. Ils avaient plus tendance à signaler les blessures lorsqu’elles ne correspondaient pas aux antécédents du patient, lorsque l’orientation était entre autres liée à la possibilité de VEE et lorsque les blessures étaient plus graves. Les cliniciens qui au cours de leur carrière avaient omis de signaler au moins un cas présumé de VEE ou qui avaient perdu un patient ou une famille à cause du signalement étaient plus susceptibles de signaler la VEE présumée. Les chercheurs n’ont pas trouvé de lien entre la race et la décision de procéder à un signalement lorsque les familles impliquées étaient couvertes par une assurance-maladie publique, cependant, les blessures chez les enfants afro-américains étaient plus susceptibles d’être signalées lorsque la famille avait aussi une assurance privée.
Ces résultats suggèrent que le niveau de suspicion de violence n’est pas le seul facteur dont les cliniciens tiennent compte lorsqu’ils décident de signaler une blessure grave suspecte. Les auteurs supposent que les cliniciens se basent sur leur expérience et pourraient faire un signalement uniquement lorsqu’ils pensent que les APE interviendront (c’est-à-dire signaler les cas les plus graves). En conséquence, les enfants chroniquement victimes de violence qui ont des blessures fréquentes, mais moins graves, pourraient être ignorés. Dans l’ensemble, cette étude envoie un message clair : les cliniciens de première ligne ne respectent pas souvent leur obligation juridique concernant le signalement des blessures présumément attribuables à la violence envers les enfants et divers facteurs contribuent à l’absence de signalement de ce type de violence. D’autres recherches sont nécessaires pour expliquer ce fait et pour déterminer s’il existe des méthodes permettant d’améliorer le comportement des cliniciens en ce qui a trait au signalement.
This study, using data from the Child Abuse Reporting Experience Study (CARES), was the first prospective observational study that examined primary care clinician physical abuse reporting frequency, suspicion levels, and other correlational factors. Two American national practice based research networks (PROS and NMAPedsNET) were used to invite1694 primary care clinicians from 748 practices to participate. Of these, 511 agreed to participate, 434 clinicians completed the study, but data for this study were limited to the 327 clinicians who indicated that at least one child they evaluated had an injury consistent with CA. Clinicians completed a short survey about past experience with CWA, education, attitudes, and practice environment. They completed Injury Encounter Cards (IECs) for any patient with an injury, whether or not the injury was the presenting issue. The IEC cards included 7 patient-related response items and 7 decision making factors. The completion rate, while quite low, may be considered reasonable given that doctors are especially busy and this study relied on the completion of several forms to gather the prospective data. Additionally, the possible effect of participants’ specialization remains unclear; clinicians who agreed to participate may have had more time, interest, and experience in the topic of CA, all of which could bias the findings. Since this study was completed in the United States, it is unclear how the findings apply to Canada’s context.