La cooccurrence de la maltraitance des enfants et des risques sanitaires, maternels ou sociaux spécifiques souligne le fait que les jeunes enfants victimes de maltraitance vivent souvent des expériences à risques multiples, qui peuvent compromettre leur réussite scolaire. Le présent résumé est une compilation de deux études; la première, un article de Rouse, Fantuzzo et LeBoeuf (2011), a examiné la relation entre les facteurs de risque et les résultats scolaires et comportementaux d’enfants de 3e année. La deuxième a étudié la relation entre le type de maltraitance envers les enfants et le moment où elle se produit, y compris le contexte de risque multiple des enfants et leur effet sur la réussite scolaire précoce des élèves de 2e année (Fantuzzo, Perlman et Dobbins, 2011).
Les deux études reposent sur des données populationnelles qui établissent un lien entre les données administratives sur la santé publique, les services à la personne, le logement avec services de soutien et l’éducation. Les données ont été recueillies auprès de 10 738 élèves de 3e année (Rouse, Fantuzzo et LeBoeuf, 2011) et de 11 835 élèves de 2e année (Fantuzzo, Perlman et Dobbins, 2011). Les mesures du risque dans les deux études incluaient le risque à la naissance (faible poids à la naissance), les soins prénataux inadéquats, une mère adolescente (moins de 20 ans), la faible scolarité maternelle (moins de 12 ans), l’exposition à un niveau élevé de plomb (10 microgrammes/décilitre ou plus), l’expérience de l’itinérance (inscription dans un refuge public) et la maltraitance envers les enfants.
En ce qui concerne la relation entre les facteurs de risque et les résultats scolaires et comportementaux des élèves de 3e année (Rouse et coll., 2011), les résultats scolaires et comportementaux comprenaient la non-maîtrise de la lecture et des mathématiques, l’absentéisme, la suspension et la conduite en classe, indiqués par une liste de vérification de l’adaptation comportementale et de l’engagement des enfants. Une analyse a été menée, avec deux ensembles de modèles de régression logistique multiniveaux multiples utilisés pour chaque résultat afin de déterminer les effets des facteurs de risque sur l’adaptation scolaire et comportementale.
Les prévalences les plus élevées des facteurs de risque observés chez les élèves étaient les soins prénataux inadéquats, la faible scolarité maternelle et le fait d’avoir une mère adolescente. Des taux élevés de cooccurrence ont également été constatés. En isolant les facteurs démographiques et l’intégration des enfants à l’école, la faible scolarité maternelle, l’exposition élevée au plomb, la maltraitance envers les enfants, les soins inadéquats et les risques liés à la naissance comptent parmi les risques les plus élevés de non-maîtrise de la lecture. Les enfants nés d’une mère adolescente et/ou peu scolarisée étaient plus susceptibles d’afficher de mauvais résultats en matière de comportement. La maltraitance envers les enfants présentait la relation la plus forte avec la mauvaise conduite en classe et la deuxième en importance avec l’absentéisme scolaire. Les chercheurs ont également examiné les effets cumulatifs du risque, et, ils ont découvert que pour chaque facteur de risque supplémentaire, le risque de non-maîtrise de la lecture et des mathématiques augmentait. Dans l’ensemble, la maltraitance et l’itinérance se sont avérées uniquement liées aux résultats scolaires et comportementaux, et à des taux plus élevés de tous les autres facteurs de risque étudiés. La scolarité maternelle était le seul facteur de risque associé à chaque résultat scolaire de l’étude.
Pour ce qui est de la relation entre le type de maltraitance envers les enfants et le moment où elle se produit, en ce qui a trait au contexte multirisque de la réussite scolaire précoce chez les enfants de 2e année (Fantuzzo et coll., 2011), la réussite scolaire a été mesurée à l’aide du test de réussite TerraNova, 2e édition. L’engagement scolaire a été mesuré grâce à l’Évaluation des performances relatives aux comportements d’apprentissage (Learning Behaviors Performance Assessment – LBPA) et les compétences sociales grâce à l’Évaluation des performances relatives aux compétences sociales (Social Skills Performance Assessment – ASPS). Les chercheurs ont utilisé la régression logistique multiple pour examiner le lien entre les caractéristiques de la maltraitance envers les enfants, le rendement scolaire et les résultats de l’engagement scolaire, tout en tenant compte de la démographie et des risques.
La cooccurrence d’autres risques et de la maltraitance s’est révélée plus élevée chez les enfants ayant fait l’objet de signalements corroborés de sévices physiques et de négligence. Chez les enfants ayant fait l’objet de signalements pour mauvais traitements non corroborés, on a observé des niveaux de facteurs de risque plus faibles, mais plus élevés que chez ceux qui n’ont pas fait l’objet d’un signalement pour maltraitance. En ce qui concerne le rendement scolaire, les signalements de négligence corroborés envers les enfants et les signalements non corroborés étaient associés à des résultats scolaires moins bons que ne l’était la violence physique. En outre, la négligence envers les enfants d’âge prématernel augmentait le risque de mauvais résultats aux évaluations normalisées de la lecture, du langage et de la science par rapport à leurs pairs. En ce qui concerne l’engagement scolaire, la négligence avant et après la maternelle était associée à des comportements d’apprentissage médiocres, à des compétences sociales médiocres, à une faible participation et à davantage de suspensions que leurs pairs. Enfin, la violence physique avant la maternelle était liée à de mauvais comportements d’apprentissage, tandis que la violence physique après la maternelle n’était pas significativement associée à des résultats en matière d’engagement scolaire.
L’utilisation de données basées sur la population a permis de comprendre l’association entre le type de maltraitance, le rendement scolaire et l’engagement dans un contexte de risques multiples. À terme, ces données administratives peuvent aussi servir à déceler la résilience et à mettre au point des interventions en ce qui a trait aux résultats scolaires. Enfin, des facteurs de risque supplémentaires, ainsi que des renseignements supplémentaires sur les services de protection de l’enfance offerts aux enfants permettraient de faire la distinction entre les services offerts aux enfants faisant l’objet d’allégations corroborées et les services offerts aux enfants à propos desquels les allégations sont infondées, lorsqu’on se penche sur leurs résultats scolaires.
Les recherches futures devraient se concentrer sur l’inclusion de facteurs de risque supplémentaires, ainsi que de renseignements supplémentaires sur les types de services de protection de l’enfance offerts aux enfants ayant des antécédents de violence physique et de négligence. La présente étude n’incluait pas les données du système de santé comportementale. Ces systèmes recueillent régulièrement des données sur la dépression maternelle et l’abus d’alcool et d’autres drogues. Compte tenu de la forte cooccurrence de ces risques avec la maltraitance envers les enfants, il serait important que de futures études incluent ces facteurs de risque (Stone, 2007). De plus, étant donné le risque associé aux expériences de mauvais traitements physiques et de négligence, il serait important de comprendre la gamme de services offerts aux enfants et aux familles confrontés à ces risques; et la mesure dans laquelle ces services atténuent les effets négatifs des expériences de maltraitance.