Les chercheurs ont établi un lien entre les antécédents de maltraitance envers les enfants et les comportements à risque pour la santé des jeunes (ex., agressivité, délinquance, tabagisme, consommation d’alcool), qui peuvent entraîner de graves problèmes sociaux et de santé à l’âge adulte. Bien que la négligence envers les enfants soit la forme la plus courante de maltraitance, la plupart des études en protection de l’enfance effectuées à ce jour ne distinguent pas la négligence de la violence physique ou sexuelle. Les données utilisées proviennent de la LONGSCAN, une étude longitudinale sur les risques et les conséquences de la violence et de la négligence envers les enfants, qui utilise ici deux variables explicatives précises – la dépression du donneur de soins et le capital social. Les données ont été recueillies entre 1992 et 2012 à cinq endroits aux États-Unis. Les sujets étaient les enfants pris en charge par le système de services de protection de l’enfance (ligne de base N = 1354). Les chercheurs ont tenu compte d’une variété d’expériences de maltraitance. La majorité des sujets (56 %) étaient des Afro-Américains. Les données obtenues à la suite d’entrevues ont été recueillies tous les 2 ans, lorsque les sujets avaient entre 4 et 18 ans.
Voici ce qui a été inclus dans l’analyse : (a) trois variables dépendantes – problèmes d’externalisation (Achenbach’s Child Behaviour Checklist, soit échelle des comportements de l’enfant d’Achenbach), tabagisme et consommation d’alcool chez les jeunes; (b) quatre variables de contrôle – sexe, race/origine ethnique, niveau de scolarité des soignants et lieu de l’étude; (c) huit variables explicatives possibles – tabagisme ou consommation d’alcool du ménage, tabagisme ou consommation d’alcool des pairs, antécédents de maltraitance (violence physique, sexuelle ou psychologique, négligence), dépression autodéclarée par le donneur de soins (Center for Epidemiologic Studies Depression Scale [Échelle d’évaluation de l’état dépressif du Centre d’études épidémiologiques]) – et deux mesures du capital social : la cohésion sociale et la confiance (CSC) et le contrôle social informel (CSI). Compte tenu des variables de contrôle, les principales conclusions étaient les suivantes:
· Pour les jeunes sans antécédents de négligence, la dépression du donneur de soins était une importante variable explicative des trois résultats négatifs, indépendamment des scores de capital social.
· Les jeunes ayant des antécédents de négligence étaient à risque élevé pour les trois résultats négatifs. Toutefois, les chercheurs ont découvert que les scores de CSC diminuaient significativement deux des résultats négatifs dus à la dépression du donneur de soins, soit les comportements d’externalisation et la consommation d’alcool à 18 ans. Aucun effet similaire n’a été trouvé pour les scores en matière de CSI.
Les auteurs suggèrent des explications possibles concernant ces résultats, et proposent des idées en ce qui a trait aux efforts de prévention – dépistage et traitement de la dépression des donneurs de soins et soutien de la cohésion de la communauté et de la confiance – qui selon eux pourraient aider à réduire les conséquences négatives de la négligence envers les enfants.
Le plan longitudinal utilisé ici a introduit un certain nombre de complications et a nécessité une stratégie d’analyse élaborée. Les entrevues ont été menées auprès des donneurs de soins principaux lorsque les enfants avaient entre 4 et 16 ans et auprès de jeunes de 18 ans. Les informations sur les antécédents de mauvais traitements ont été obtenues à partir de deux sources: les allégations des services de protection de l’enfance et les autodéclarations des jeunes. Les scores de CSI et de CSC utilisés pour évaluer la perception des donneurs de soins quant à la qualité du quartier étaient des sous-échelles de la mesure de la NOOA, soit la stabilité résidentielle du quartier, l’appartenance organisationnelle et religieuse. Chaque score a été calculé à partir de 5 items en utilisant l’échelle de Likert en 4 points. Pour l’analyse, les chercheurs ont bâti une série de données empilées avec de multiples observations par sujet; ils ont apparié les variables explicatives pour chaque catégorie d’âge avec les résultats de l’âge suivant (ex., les variables explicatives à 12 ans ont été appariées avec les résultats à 14 ans). Ils ont utilisé des équations d’estimation généralisées (GEE). Les cas de négligence et de non-négligence ont été analysés séparément; dans chaque cas, la CSC et le CSI ont été tour à tour utilisés comme variables modératrices. Une des limites possibles de l’étude tient au fait que les estimations de la CSC et du CSI sont basées sur les déclarations des donneurs de soins; ces estimations pourraient donc avoir été influencées par le niveau de dépression de ces personnes.