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Résilience : importance de l’analyse interactive holistique

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Résumé

Plus de 30 % des adolescents sont victimes de sévices ou témoins d’actes de violence interparentale au Canada. Souvent, l’évaluation de la résilience chez le sujet exposé à de la violence familiale se limite à quelques paramètres bien définis (à savoir violence, comportement agressif ou dépression), reflétant essentiellement la capacité du sujet de faire face à l’adversité. Nous avons une perception binaire, dichotomique, de la résilience : on est résilient ou on ne l’est pas. Or, selon les auteurs, nous devons délaisser cette conception au profit d’un modèle interactif holistique comprenant une analyse du degré d’exposition à la violence, un schéma écologique des facteurs de risque individuels, familiaux et sociaux, d’une part, et des facteurs de protection, d’autre part, ainsi qu’une prise en compte du risque cumulatif.

Dans une analyse antérieure de leurs données, les auteurs ont mis à l’essai la perception binaire de la résilience : les participants ayant fait état d’une exposition à de la violence familiale, mais non d’agression contre leurs semblables ni de dépression, ont été considérés comme résilients. L’étude présentée ici porte sur un sous-échantillon de 2 565 sujets constitué de l’ensemble des adolescents n’ayant jamais agressé leurs semblables ni souffert de dépression et se situant dans l’ensemble du spectre de la violence familiale, soit de l’absence complète à un degré de violence élevé. Comme on pouvait s’y attendre, c’est chez les sujets exempts d’exposition à la violence familiale, de dépression ou d’agression envers leurs semblables que les facteurs de protection étaient les plus nombreux et les facteurs de risque, les plus rares. Les résultats de l’étude semblent indiquer que chez les jeunes qui faisaient preuve de résilience, l’existence d’un fardeau familial (exposition à la violence familiale sous forme de sévices parentaux ou de violence interparentale) était associée, de façon cumulative, à des taux plus élevés de violence familiale, à un recul des facteurs de protection et à une augmentation des facteurs de risque (consommation d’alcool, parents autoritaires ou instables, absence d’empathie envers les autres étudiants et attitude favorable à l’agressivité). Par ailleurs, les participants résilients exempts d’antécédents d’agression envers leurs semblables et de dépression étaient fragiles sur de nombreux autres plans, ce qui donne à penser que la résilience revêt de multiples visages. Les résultats de cette étude militent en faveur du recours à un modèle de résilience holistique, complexe et dynamique, pour l’évaluation des effets délétères de l’exposition à la violence familiale de même que des facteurs de protection.

Notes méthodologiques

Les chercheurs ont réalisé une analyse de la variance à un facteur avec tests de Bonferroni pour évaluer 16 éléments : facteurs de risque individuels, familiaux et sociaux de même que facteurs de protection. Le sous-échantillon provient d’une analyse européenne réalisée en milieu scolaire, STAMINA (Formation of non-violent behavior in school and during leisure time among young adults from violent families). Il s’agissait là d’une étude transversale, ce qui limite sa portée, puisque ce modèle ne rend pas compte des effets de la violence familiale sur les facteurs de risque et de protection au fil du temps. Cette conception de l’exposition à la violence familiale comme un phénomène interactif et cumulatif nous amène à voir la résilience comme un processus complexe, comme une réalité dynamique de nature holistique et non individualiste.