Wall-Wieler, E., et al. (2018). Suicide Attempts and Completions among Mothers Whose Children Were Taken into Care by Child Protection Services: A Cohort Study Using Linkable Administrative Data. Canadian Journal of Psychiatry, 63(3): 170-177.
Le Manitoba présente le plus haut taux d’enfants pris en charge par les services de protection de l’enfance (environ 3 % selon le recensement de 2011), et un taux de suicide chez les femmes de 4,8 sur 100 000. Cette étude observationnelle examine les tentatives de suicide et les décès par suicide chez les mères manitobaines qui ont perdu la garde de leurs enfants après avoir eu affaire à la protection de l’enfance. Les dyades mère-enfant ont été établies grâce aux actes de naissance des hôpitaux, aux données administratives anonymisées du Manitoba Population Data Research Repository liées aux déclarations individuelles des médecins, aux résumés de congé d’hôpital, aux statistiques de l’état civil, aux rapports de cas des services de protection de l’enfance et au Recensement du Canada.
Les deux issues étudiées (tentatives de suicide et décès par suicide) ont été examinées pour chaque mère entre la première date de prise en charge d’un enfant (date de référence) et le 31 décembre 2015. Aux fins de l’étude, sont comptés en tant que suicides les décès consignés dans la base de données de l’état civil, et en tant que tentatives de suicide les hospitalisations accompagnées du code de diagnostic de la Classification internationale des maladies approprié. Les tentatives de suicide et les diagnostics de toxicomanie, de troubles anxieux et de troubles l’humeur précédant la date de référence, le statut socioéconomique du quartier, l’âge de la mère et l’âge de l’enfant ont été inclus à titre de covariables.
Les résultats d’une analyse par le modèle de régression de Poisson à effets fixes montrent que le taux d’incidence ajusté (TIA) de décès par suicide était plus élevé chez les mères dont l’enfant avait été pris en charge que chez leurs sœurs biologiques qui avaient encore la garde de leur enfant (TIA de 4,46) et que chez les mères qui avaient eu affaire aux services de protection de l’enfance, mais qui avaient toujours la garde de leur enfant (TIA de 3,45). Le taux de tentatives de suicide était également plus élevé chez les mères dont l’enfant avait été pris en charge que chez leurs sœurs biologiques qui avaient encore la garde de leur enfant (TIA de 2,15) et que chez les mères qui avaient eu affaire aux services de protection de l’enfance, mais qui avaient toujours la garde de leur enfant (TIA de 2,82). Les résultats confirment que les mères qui se sont fait enlever leur enfant par les services de protection de l’enfance sont plus susceptibles de vivre de la détresse et de présenter des problèmes psychiatriques. En effet, l’événement provoque un sentiment de honte, une stigmatisation et une diminution de l’estime de soi qui pourraient avoir contribué à accroître les taux de tentatives de suicide et de décès par suicide. De plus, après avoir été séparées de leur enfant, les mères ont signalé l’apparition ou l’aggravation de problèmes de santé mentale.
L’étude recommande que les fournisseurs de soins veillent à ce que les mères bénéficient d’un soutien psychologique adéquat après le retrait de l’enfant. Ce soutien pourrait prévenir la détérioration de leur santé mentale et aider à ce que le stress de la séparation ne constitue pas un obstacle à la réunification.
Cette étude utilise un modèle de régression de Poisson à effets fixes en deux étapes. Les effets des facteurs de confusion potentiels ont été réduits par la prise en compte de l’environnement, des prédispositions génétiques et des caractéristiques familiales communes. Les auteurs ont également signalé les limites de leur étude, soit la définition limitée du suicide, les facteurs de confusion non mesurés (éducation maternelle, violence conjugale, antécédents de mauvais traitements et de négligence de la mère et statut d’Autochtone) ainsi que l’humeur ou l’anxiété et les antécédents de toxicomanie de la mère avant la date de référence.