En 2008, 3,5 millions de cas de maltraitance infantile ont fait l’objet d’une enquête aux États Unis, et c’est chez les enfants de moins de 4 ans que le taux de victimisation le plus élevé a été enregistré. La maltraitance peut avoir de profondes répercussions sur le développement global de l’enfant : langage, capacités cognitives de même qu’habiletés motrices et sociales. L’objectif de la présente étude est l’évaluation du développement du langage sous l’angle de la compréhension auditive (CA) et de la communication expressive (CE) chez des enfants maltraités depuis la première enfance jusqu’à l’âge de 6 ans, soit pendant 5 ans, et la détermination de l’effet éventuel du milieu substitut (parents biologiques, parents-substituts apparentés ou famille d’accueil) sur la trajectoire de ce développement.
Les données utilisées proviennent de la National Survey of Child and Adolescent Well-Being, plus précisément des 1re, 3e, 4e et 5e vagues de cette enquête nationale sur le bien-être des enfants et des adolescents. On a retenu aux fins de l’étude les cas de maltraitance jugés fondés au terme d’une enquête, constituant un sous-échantillon de 963 nourrissons (n’ayant pas encore fêté leur premier anniversaire de naissance). Au début de la 5e vague, 76,2 % de ces enfants étaient en placement permanent.
L’analyse descriptive a révélé que le développement moyen du langage chez les enfants maltraités (d’après la CA et la CE) était inférieur au niveau moyen atteint dans la population générale, et ce, lors de chaque vague étudiée. Pour déterminer le développement du langage en fonction du milieu substitut, les chercheurs ont utilisé des modèles de développement conditionné. Les résultats indiquent que le score moyen de CA des enfants, quel que soit le milieu substitut, a diminué de manière significative entre les 1re et 3e vagues, est demeuré faible à la 4e vague (les enfants avaient alors 3 ans), puis était revenu à son niveau initial (celui de la 1re vague) au début de la 5e vague. La CE a suivi une courbe comparable. En effet, le score moyen a affiché un recul significatif de la 1re à la 3e vague, est demeuré faible à la 4e vague et était à la hausse à la 5e vague, quoique toujours inférieur au score moyen de la population générale.
Ces résultats nous autorisent à penser que les problèmes de développement du langage étaient appréciables chez les enfants victimes de maltraitance. Pour pallier ces difficultés, il est essentiel d’évaluer la parole et le langage dans cette population, puis d’offrir aux enfants les services dont ils ont besoin au cours de leur développement, et ce, quel que soit le milieu substitut où ils sont placés.
Le risque de maltraitance augmente proportionnellement au risque sociodémographique auquel est exposée la famille. Or, la majorité des familles de l’échantillon provenaient de milieux socioéconomiques défavorisés. Comme tous les enfants de l’étude ont été victimes de maltraitance, il est impossible de déterminer si le retard de langage est lié à cette maltraitance ou à la présence de facteurs de risque sociodémographiques au sein de la famille.