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Négligence envers les enfants : effet des orientations en matière de protection sociale

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Résumé

On a démontré dans des études que les baisses de revenu constituaient un important facteur de risque de négligence envers les enfants. Dans l’étude dont il est question ici, les chercheurs ont analysé le lien entre le resserrement des règles régissant un programme d’aide financière pour familles dans le besoin et les cas jugés fondés de négligence à l’égard des enfants en Arizona. Pendant la récession de 2007, l’État a réduit les sommes versées dans le cadre du programme TANF (Temporary Assistance for Needy Families) et abrégé la période d’admissibilité à vie, la ramenant de 60 à 36 mois dans un premier temps, puis à 24 mois par la suite. À partir des données sur la négligence envers les enfants et de l’ensemble des cas du TANF, les chercheurs ont effectué une analyse chronologique multivariée sur huit ans (de 2005 à 2013) afin de mesurer les répercussions des nouvelles règles sur cette négligence.

Cette analyse chronologique a mis en lumière l’existence d’un lien entre la diminution des sommes versées et l’abrégement de la période d’admissibilité au titre du TANF ainsi que l’augmentation de la pauvreté infantile, d’une part, et la hausse des cas de négligence à l’égard des enfants en Arizona, d’autre part. Plus précisément, le nombre mensuel de cas de négligence jugés fondés s’est accru dans cet État entre 2009 et 2012, soit la période pendant laquelle l’admissibilité à vie au TANF a été abrégée : les cas sont passés de 313 à 836, soit un bond de 213 pour cent. Ainsi, lorsque l’Arizona a ramené la période d’admissibilité à vie de 60 à 36 mois, en 2010, le nombre d’enfants victimes de négligence avérée s’est accru de 190 (p < 0,01). Puis l’année suivante, lorsque l’État a de nouveau abrégé cette période pour la ramener à 24 mois, on a répertorié 461 cas de négligence de plus par mois (p < 0,01). Les autres covariables intégrées au modèle sont le taux de chômage (avec battement de deux mois, temps approximatif de répercussion de la perte d’emploi sur les soins aux enfants) et les naissances hors mariage. Cependant, la variation du taux de chômage au fil du temps n’a eu qu’un effet minime sur le nombre de cas de négligence, tandis que le nombre de naissances hors mariage n’a eu aucun effet.

Ces résultats semblent indiquer que la modification des règles qui régissent le TANF a donné lieu à une hausse appréciable des cas avérés de négligence envers les enfants en Arizona. Les études antérieures sur le lien entre la protection de l’enfance et la conjoncture économique reposaient généralement sur des données transversales et nationales. Or, les conséquences de la récession qui nous intéresse ici ont varié dans le temps suivant l’État, voire la localité, tant par leur nature que par leur intensité. Dans le cas présent, les chercheurs ont plutôt réalisé une analyse chronologique. Ils ont donc pu mesurer les effets de la modification des règles sur le nombre de cas de négligence infantile dans un État donné et mettre en lumière un lien étroit entre l’appauvrissement des programmes de protection du revenu et l’accroissement de la demande de services d’aide à l’enfance au fil du temps.

Notes méthodologiques

À partir des données dont ils disposaient, les chercheurs n’étaient pas en mesure de distinguer les familles ne pouvant plus présenter de demande de prestations au TANF par suite de la modification des règles, d’une part, des familles qui, en raison de ces changements, avaient perdu des prestations qu’elles touchaient déjà, d’autre part. Par ailleurs, ils n’ont pas tenu compte des modifications apportées à d’autres programmes (telles que l’augmentation des sommes consacrées à la protection de l’enfance) pendant la même période et susceptibles d’influer sur le nombre de cas de négligence. Autre élément non pris en compte : l’effet différentiel de la modification des règles du TANF suivant les variables démographiques des familles, par exemple la race, l’origine ethnique et le niveau de pauvreté. Malgré tout, l’étude montre que la modification des règles dans un secteur peut se répercuter non seulement sur d’autres secteurs, mais également sur le bien-être des familles et des enfants.